Discussion:
Apprentissage du vibrato au violon
(trop ancien pour répondre)
Kiriasse
2006-03-12 11:25:20 UTC
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Le vibrato (si l'on peut parler de vibrato plutôt que de vibratos, au
pluriel) au violon est un mouvement complexe qui fait intervenir
l'avant-bras, la main et les doigts. Sa réalisation présente de sérieuses
difficultés pour la plupart des apprentis violonistes. Un professeur peut
faire une démonstration mais on ne peut lui demander de refaire de façon
répétitive cette démonstration...
Pourtant, à mon avis, seule la répétion fréquente, attentive et patiente de
ce mouvement peut parvenir à l'imprimer dans la boîte crânienne afin qu'il
devienne un réflexe.
Il me semble qu'un film sur DVD représentant de façon judicieuse, en gros
plan, à la vitesse normale mais aussi avec des ralentis, l'avant-bras et la
main gauche d'un bon violoniste exécutant un vibrato pourrait aider des
violonistes en apprentissage. Je n'ai pas trouvé cela. Pourtant, ce ne doit
pas être bien compliqué à réaliser avec une caméra vidéo et un certain sens
de la pédagogie.
N.B. On pourrait imaginer aussi des gros plans montrant la main gauche dans
les diverses positions et la main droite pour la tenue de l'archet.
Si un tel DVD apparaissait sur le marché, je l'achèterais pour ma part sans
hésiter.
Me contacter éventuellement.
http://www.kiriasse.fr/mailtokir/mailtokir.html
Merci.
Salsa Picante
2006-03-12 16:09:31 UTC
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[Je crossposte sur framc, parce que ça peut intéresser et concerner des
contributeurs de ce groupe, parce que ceux d'entre eux qui sont
instrumentistes à cordes peuvent t'apporter également des renseignements
techniques, parce que le vibrato rélève aussi de framc si on considère
son utilisation, mais je garde le suivi sur framp dans le cadre d'une
discussion technique.]
Post by Kiriasse
Le vibrato (si l'on peut parler de vibrato plutôt que de vibratos,
[...]
Post by Kiriasse
Il me semble qu'un film sur DVD représentant de façon judicieuse, en gros
plan, à la vitesse normale mais aussi avec des ralentis, l'avant-bras et la
main gauche d'un bon violoniste exécutant un vibrato pourrait aider des
violonistes en apprentissage.
Bonjour,

Tu as tout à fait raison, il n'y a pas un vibrato, mais bel et bien
plusieurs, qui font toute la richesse du jeu d'un excellent musicien,
selon l'expressivité qu'il veut conférer à une phrase.

Le choix d'un vibrato dépend également du compositeur de l'œuvre : le
vibrato Mozart sera plus serré que le vibrato romantique qui sied à Max
Bruch, un vibrato léger et sans excès convient pour Bach, etc. (Encore
que cela soit l'objet de gloses sans fin entre les différentes tendances
stylistiques.)

Gardons en mémoire que le vibrato ne fut à l'origine qu'un ornement,
qu'il n'est pas nécessaire de l'employer à outrance pour un pathos
injustifié, et qu'il ne doit _jamais_ être un cache-misère, un emplâtre
masquant une justesse approximative.
Notons que l'on a été tellement habitué à vibrer que cela est devenu un
automatisme, si bien que jouer un passage « blanc », c'est-à-dire sans
vibrato est difficile : on a beau l'écrire sur la partition, on oublie
toujours, dans le feu de l'action, et le naturel vibrant revient au
galop !

Deux écoles s'opposent souvent en ce qui concerne le vibrato au violon :
le bras ou le poignet ?
Actuellement, le « vibrato du bras » et plus à la mode que celui « du
poignet ». (Le terme « du poignet » gagnerait d'ailleurs à être remplacé
par « de la main », ce serait plus exact.)
Des techniciens avertis, tels Galamian, distinguent aussi un vibrato
« du doigt ».
Bien souvent, le vibrato « normal, usuel » d'un individu est un mélange
de tout ça.

Il importe en effet qu'aucune partie du corps ne soit immobilisée ou
bloquée. Vibrer de la main ne doit surtout pas signifier un bras
bloqué : le vibrato est d'abord un prolongement d'un mouvement plus
intérieur.
Un épaule gauche trop haute qui serre le violon coupe irrémédiablement
ce mouvement et conduit à voir là-bas, perdue près de la volute, une
main gauche qui s'agite toute seule, coupée du reste du corps, ce qui
n'est en aucun cas un vibrato.

C'est pour cela que je ne sais pas si l'examen attentif de vidéos
constitue une bonne approche. On n'y voit en effet que le résultat
gestuel du vibrato et on peut facilement passer à côté du fait que
le vibrato prend en fait naissance à l'intérieur du corps, et que le
mouvement du doigt, de la main, du bras, n'en est que la partie visible.
On ne peut pas jouer du violon en isolant les différents parties du
corps.


Certaines personnes ont un vibrato naturellement aisé, calme et beau à
regarder, un vibrato « qui vient tout seul ». D'autres sont obligées de
travailler très longtemps et quotidiennement pour obtenir le même
résultat. Ce travail suppose à mon avis de réenvisager l'ensemble du
rapport corporel avec l'instrument et surtout de ne pas se focaliser
sur le seul mouvement apparent de la main gauche.
Au moins ce travail permet-il de mieux contrôler le vibrato lorsque le
trac est lde la partie.


Quant à savoir si c'est le tronc qui commande au bras, qui entraîne
l'avant-bras, qui dicte à la main, qui fait bouger le doigt, et ainsi de
suite des phalanges jusqu'à la phalangette, ou bien le contraire par le
truchement d'un savant feed-back de l'influx nerveux, c'est se retrouver
devant le problème évoqué en principe au sujet du bras droit : querelle
d'école (américaine, franco-belge, etc.) et d'époque, et discussions
enfiévrées entre les grands pédagogues de l'instrument.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas confondre vibrato et *crispato*, et
en aucun cas le vibrato ne doit être incontrôlé et incontrôlable.
D'un autre côté, un vibrato trop travaillé, mécanique, totalement
artificiel, issu de longues heures passées à faire des exercices
aberrants avec un métronome, est très laid et anti-musical au possible !


------------------

Je vais être plus technique à présent.


1. Le vibrato diffère selon le doigt ! Si 2 et 3 sont faciles, l'index
peut poser des problèmes et le 4e être un sacré casse-tête.
Le travail du vibrato sur les doubles-cordes (tierces et octaves) est
très profitable. Sans appuyer les doigts plus que nécessaire ! (La
remarque musclée « les doigts comme des petits marteaux » en tête du
premier cahier de Schradieck est à considérer avec beaucoup de
précautions...)


2. La technique du vibrato diffère selon que l'on est en bas du manche
ou en train de voltiger dans les colophanes éternelles en haut de la
touche.

Le mouvement du vibrato est facilité ou gêné selon la façon dont la main
tient l'instrument, notamment, dans les positions basses, en fonction du
nombre de points d'appui de la main : deux (le doigt qui est posé et le
pouce qui soutient) ou trois (en ajoutant le contact de la base de
l'index vers la paume contre le bord du manche.)
Cela dépend de la morphologie de chacun, de la corde sur laquelle on
joue et de l'école de violon à laquelle on se rattache (l'école tchèque
par exemple tendait à placer le pouce très en-dessous du manche, ce qui
permettait d'éviter ce troisième point de contact.)


3. La main gauche et la main droite se rejoignent par le biais du violon
et il ne doit pas y avoir de coupure entre les deux : le « fluide » doit
passer d'un bras à l'autre ! Dans cette optique, le vibrato est
également une affaire d'archet et est beaucoup plus intimement lié au
travail de l'archet et du bras droit. (Mais c'est souvent comme ça,
hein, le travail du violon : « Si tu as des problèmes avec la main
gauche, regarde du côté de la droite ce qui se passe et travaille de ce
côté-là, et si tu as des problèmes d'archet, regarde si ça ne vient pas
aussi du bras et de la main gauche... »)

On se rend compte de cette interaction entre le vibrato et l'archet dans
les cas suivants par exemple :

- il est plus facile de vibrer quand on joue forte que pianissimo : un
mouvement retenu et léger du bras droit ne favorise pas la réalisation
du vibrato à gauche. Jouer « fort, nerveux, appuyé... » d'un côté du
corps et « doucement, détendu et léger » de l'autre est une des grandes
difficultés du violon ;
- Il est difficile de conserver le vibrato au moment du changement
d'archet : celui repart dans l'autre sens et hop, le vibrato
s'interrompt un bref instant.


4. Qu'est-ce que le vibrato ? Une variation de hauteur, certes, mais où
se situe la note de base par rapport à cette oscillation ? Il est
intéressant de voir comment les grands violonistes organisent cette
altération de la justesse vers le haut et vers le bas.
Faut-il *monter* la note, puis revenir à elle, ou bien *baisser* la note
pour y revenir, ou encore *baisser et monter* équitablement autour de la
note juste ?

Les deux premières solutions sonneraient mal et faux, de toutes façons :
il est nécessaire d'altérer la note à la fois vers le haut et le bas, de
tourner autour, mais pas forcément à égalité dans chaque direction.
C'est-à-dire qu'il faut éventuellement envisager de travailler le
vibrato en gardant à l'esprit le fait de tirer *d'abord* la main du côté
de la volute pour infléchir la note vers le bas, puis *ensuite* aller
vers le haut.
On pensera par exemple au travail de pince et de relâchement du vibrato
des clarinettistes et des saxophonistes.


5. Le sens de l'oscillation décrite-ci-dessus importe lorsqu'il s'agit
de changer de note et de doigt tout en conservant le vibrato.

Lorsqu'on atteint le but ultime de l'enseignement traditionnel,
c'est-à-dire le vibrato souple, régulier et ininterrompu sur plusieurs
notes jouées legato dans un seul coup d'archet, on constate qu'il est
plus souvent plus facile de le faire en montant (doigté 1 2 3 4 sur des
notes conjointes) qu'en descendant (doigté 4 3 2 1).

En effet, si l'on travaille lentement, on remarque que, lors d'un
mouvement ascendant, le doigt suivant se pose lorsque le doigt qui est
en train de vibrer se dirige vers le haut, celui-ci préparant ainsi le
changement de note (du 1er doigt vers le 2e, du 2e vers le 3e et du 3e
vers le 4e). Le vibrato peut facilement rester ininterrompu.

Mais lorsqu'on descend, même si c'est le mouvement inverse qui se
produit (le doigt inférieur se pose lorsque le doigt qui est en train de
vibrer est au maximun de son oscillation vers le bas), il y a un
minuscule temps d'arrêt qui demande un travail de coordination plus
attentif et précis.


---------------------


Je suis altiste et la question du vibrato, comme de nombreux autres
problèmes violonistiques, se pose peut-être de façon plus incontournable
pour les altistes que pour les violonistes : rapidité contrôlée,
décontraction, amplitude plus forte, cordes plus grosses, 4e doigt...
sur un instrument sur lequel on côtoie souvent une limite physique par
rapport à la taille et la maniabilité de l'instrument.

La taille de l'alto par rapport à l'altiste est un compromis entre la
taille de l'instrument, choisie la plus grande possible, et la
« jouabilité » pour le morphologie de celui qui en joue. La marge de
manœuvre est plus étroite et vibrer en 1e ou en 7e position sur la
grosse corde de do oblige à reconsidérer un certain nombre de choses.

Bon courage !
Thierry
Kiriasse
2006-03-12 17:55:16 UTC
Permalink
Bonjour, Thierry, et merci pour cette longue réponse sérieuse et pour le
temps que cela vous a demandé pour la rédiger. Je l'ai imprimée afin de ne
pas la perdre malencontreusement et pour pouvoir y réfléchir quand le moment
me paraîtra venu (je reste optimiste).
Mais je me demande si cette analyse écrite par quelqu'un qui,
vraisemblablement, maîtrise bien le violon (ou l'alto) n'est pas de nature à
décourager tout violoniste plus ou moins débutant, quel que soit son âge. La
chose la plus surprenante pour moi est de constater qu'enfant et adolescent,
on ne m'a jamais parlé du vibrato et que ce dernier apparaissait comme un
sujet tabou. On répondait évasivement à mes timides questions alors que l'on
m'accompagnait en vibrant allégrement, me laissant sur cette étrange
frustration, comme si le vibrato était quelque chose relevant de quelque
initiation devant se réaliser après le premier orgasme ou l'obtention du
baccalauréat. Et la fameuse méthode Mazas de ma tendre jeunesse (que je
redécouvre avec plaisir à 67 ans -- j'en ai trouvé un exemplaire sur
Internet -- après avoir abandonné le violon pendant quatre décennies) le
passe complètement sous silence alors qu'elle aborde toutes les positions,
les appogiatures et autres ornementations musicales, et se termine par des
duos dits « faciles et progressifs » mais qui ne sont pas si faciles que ça
et dont certains mériteraient d'être agrémentés de jolis vibratos afin de
devenir plus digestes à mon épouse qui supporte à longueur de journée
stoïquement mes pathétiques efforts. Maintenant que je suis grand-père, je
pense que j'ai droit au vibrato et je me demande s'il me faudra organiser
une manif' (c'est à la mode) pour revendiquer son apprentissage, à moins que
l'on ne me démontre maintenant qu'il est lié au taux de P.S.A. à surveiller
à mon âge...
Alors, très simplement, et avant d'aborder les différents vibratos, de
m'interroger sur les relations entre les parties gauche et droite de mon
corps, sur la nature des morceaux ou des passages où l'on doit ou non
vibrer, sur le fait de savoir si le vibrato est ou non un cache-misère ou
tout simplement un procédé légitime pour ajuster habilement et joliment,
sans que le violoniste ni l'auditeur n'en souffre, la note réellement émise
à la note attendue, j'aimerais bien parvenir à obtenir quelque chose qui
ressemble à un vibrato un peu harmonieux... Je m'engage à essayer de
peaufiner et diversifier le résultat ultérieurement, si le temps m'en est
accordé avant de mourir.
Dans cette recherche de ce premier résultat, je reste convaincu qu'un DVD
tel que je l'ai décrit, rendrait un immense service.
Cordialement.
Kiriasse
Répondant à

===
"Salsa Picante"
Post by Salsa Picante
Bonjour,
Tu as tout à fait raison, il n'y a pas un vibrato, mais bel et bien
plusieurs, qui font toute la richesse du jeu d'un excellent musicien,
selon l'expressivité qu'il veut conférer à une phrase.
Le choix d'un vibrato dépend également du compositeur de l'œuvre : le
vibrato Mozart sera plus serré que le vibrato romantique qui sied à Max
Bruch, un vibrato léger et sans excès convient pour Bach, etc. (Encore
que cela soit l'objet de gloses sans fin entre les différentes tendances
stylistiques.)
(...)
Salsa Picante
2006-03-12 22:41:13 UTC
Permalink
Post by Kiriasse
La
chose la plus surprenante pour moi est de constater qu'enfant et adolescent,
on ne m'a jamais parlé du vibrato et que ce dernier apparaissait comme un
sujet tabou. On répondait évasivement à mes timides questions alors que l'on
m'accompagnait en vibrant allégrement, me laissant sur cette étrange
frustration, comme si le vibrato était quelque chose relevant de quelque
initiation devant se réaliser après le premier orgasme ou l'obtention du
baccalauréat.
Oh oui, j'ai vécu la même chose terrible !

Mon premier professeur (de violon, je suis passé à l'alto à l'âge de 16
ans) fut ma mère, qui était violoniste professionnelle...
Il n'était pas question de travailler le vibrato.
« Ca viendra naturellement, avec la MATURITE. » me disait-elle.

Voilà, le vibrato, c'était quelque chose qui venait naturellement avec
la maturité, comme la première émission tant attendue de sperme. J'avais
hâte que ça vienne ; c'était honteux et impudique.

« Le vibrato, ça ne se travaille pas, ça ne s'apprend pas, tu verras, ça
viendra tout seul avec la maturité. »

J'avais 13 ou 14 ans. Le début de la puberté. Avant chaque concours de
fin d'année, elle m'envoyait chez le coiffeur, « les cheveux bien
dégagés sur les oreilles », et elle me collait des culottes courtes pour
m'envoyer sur scène. Je ne voulais pas de ces garde-boue sur les
oreilles et je voulais un pantalon long.
Je montais escagasser un Viotti ou un Vieuxtemps sur la grande scène du
théâtre municipal et j'étais mort de trouille. Humilié, infantilisé,
tétanisé. J'ai fini par fuguer, casser l'instrument et pire encore, pour
échapper à ces effroyables concours.

La hantise : le fameux « passage de chant » où il fallait justement
vibrer et montrer sa *maturité*. C'était la débandade totale : le
vibrato incontrôlable qui n'était plus qu'un tremblement de peur
panique, l'archet qui ricochait hystériquement au lieu de jouer legato.
Je redoutais bien plus les blanches que les croches, et encore plus les
rondes que les double-croches.

Plus de trente ans plus tard, je présente toujours des séquelles de ces
expériences traumatisantes que j'ai vécues adolescent, et le vibrato a
longtemps été ma bête noire.

C'est quand je suis passé à l'alto que mon professeur m'a parlé de
« travailler » le vibrato. Ca m'a étonné d'apprendre que ça pouvait se
travailler. Et en plus, c'était mal vu au Conservatoire ! Travailler le
vibrato ! Pfff !

Puis j'ai abandonné l'alto pendant des années, au profit du jazz et du
saxophone. Depuis une dizaine d'années, j'ai repris l'alto à haute dose,
comme profession secondaire (je veux dire en tant que cachetonneur ou
musicien d'orchestre déclaré, mais j'ai un « vrai » métier à côté).

J'avais toujours eu un vibrato pourri et douloureux. Puis j'ai passé
plusieurs longues années à le travailler, ou plutôt à réfléchir dessus.
J'ai eu la chance incroyable de travailler récemment pendant trois ans
avec un des grands maîtres de l'alto, qui, malgré son âge avancé,
demeure un très grand pédagogue internationalement sollicité.
J'ai à présent un vibrato sûr, esthétique et efficace, mais je dois
cependant l'entretenir et le travailler régulièrement.
La _sensualité_ du mouvement me paraît essentielle, indispensable.

Mon maître n'acceptait que le vibrato de la main, dédaignait
celui du bras, sauf pour quelques notes graves extrèmes sur l'ut.
Il m'a fallu longtemps pour comprendre que, même si le bras ne bouge pas
*visiblement*, l'onde du vibrato le parcourt depuis le tronc jusqu'au
bout du doigt, mais c'est un cheminement que j'ai dû faire seul.
Il faut trouver *son* vibrato, mélange du bras, de la main, du doigt.
Il faut l'adapter à chaque note, à chaque propos.
(Bon, mais c'est bien beau, ce que je dis, n'empêche que je joue la
plupart du temps comme un sagouin, hélas... tout petit petit ! mon verre
est petit, mais je bois dans mon verre...)


J'ai joué hier soir en soliste dans une œuvre de chambre moderne
techniquement difficile et je n'ai eu aucun problème de vibrato. Ma
prestation fut passable au début, parce que si j'arrive à présent à
dompter le traumatisme de ces saloperies de concours que je passais il y
a trente ans, ça me pompe une bonne partie de mon énergie les cinq
premières minutes de concert pour lutter contre le trac. Ensuite, tout
baigne.
Je me suis battu avec des double-cordes tarabiscotées et des harmoniques
artificielles, mais pas avec le vibrato.

Le vibrato doit être contrôlable à tout instant.

Des livres tels celui d'Ivan Galamian ("Enseignement et technique du
violon" ou "le Violon intérieur" d'Hoppenot peuvent être essentiels pour
clarifier les choses.
Post by Kiriasse
mon épouse qui supporte à longueur de journée
stoïquement mes pathétiques efforts.
j'aimerais bien parvenir à obtenir quelque chose qui
ressemble à un vibrato un peu harmonieux...
La mienne (mais elle est violoniste) et mes enfants (musiciens
eux-aussi) se rappellent quelques années où je faisais *la sirène* tous
les matins à l'aube... Je réveillais toute la maisonnée avec mes
ouuuuuin-ouuuuuuins en sons filés... Ils ont sacrément souffert !

Et puis un jour, c'est venu.
C'était devenu naturel ! Un doigt, puis un auttre... Mais ça c'est pas
fait en un jour...
Pour d'autres musiciens, c'est bien plus aisé, plus naturel. Ca ne l'est
pas pour moi, alors que ma main droite fait facilement des envieux.
Chacun son truc, chacun sa croix !

Courage, camarade !

Et puis, le vibrato n'est qu'un vernis à appliquer sur un beau son, déjà
bien plein et bien homogène. Et ce beau son dépend beaucoup plus du
musicien que de l'instrument, quoiqu'on en pense. Il est surprenant
d'entendre à quel point de grands violonistes ont un son magnifique sur
les Vinaigrius des élèves lorsqu'ils les empruntent !
Le son est en grande partie quelque chose que l'on a en soi, qui est
personnel et intime, et que l'on arrive à reproduire sur divers
instruments. Le vibrato n'est qu'une composante de ce son.
On peut avoir un très beau son, poignant et portant, en vibrant peu, et
on peut aussi avoir un son sans intérêt, morne, voire vulgaire en
vibrant à la perfection. Alors...

Thierry
Christian Tessier
2006-03-12 22:25:59 UTC
Permalink
Post by Kiriasse
Bonjour, Thierry, et merci pour cette longue réponse sérieuse et pour le
temps que cela vous a demandé pour la rédiger. Je l'ai imprimée afin de ne
pas la perdre malencontreusement et pour pouvoir y réfléchir quand le moment
me paraîtra venu (je reste optimiste).
Mais je me demande si cette analyse écrite par quelqu'un qui,
vraisemblablement, maîtrise bien le violon (ou l'alto) n'est pas de nature à
décourager tout violoniste plus ou moins débutant, quel que soit son âge. La
chose la plus surprenante pour moi est de constater qu'enfant et adolescent,
on ne m'a jamais parlé du vibrato et que ce dernier apparaissait comme un
sujet tabou. On répondait évasivement à mes timides questions alors que l'on
m'accompagnait en vibrant allégrement, me laissant sur cette étrange
frustration, comme si le vibrato était quelque chose relevant de quelque
initiation devant se réaliser après le premier orgasme ou l'obtention du
baccalauréat. Et la fameuse méthode Mazas de ma tendre jeunesse (que je
redécouvre avec plaisir à 67 ans -- j'en ai trouvé un exemplaire sur
Internet -- après avoir abandonné le violon pendant quatre décennies) le
passe complètement sous silence alors qu'elle aborde toutes les positions,
les appogiatures et autres ornementations musicales, et se termine par des
duos dits « faciles et progressifs » mais qui ne sont pas si faciles que ça
et dont certains mériteraient d'être agrémentés de jolis vibratos afin de
devenir plus digestes à mon épouse qui supporte à longueur de journée
stoïquement mes pathétiques efforts. Maintenant que je suis grand-père, je
pense que j'ai droit au vibrato et je me demande s'il me faudra organiser
une manif' (c'est à la mode) pour revendiquer son apprentissage, à moins que
l'on ne me démontre maintenant qu'il est lié au taux de P.S.A. à surveiller
à mon âge...
Alors, très simplement, et avant d'aborder les différents vibratos, de
m'interroger sur les relations entre les parties gauche et droite de mon
corps, sur la nature des morceaux ou des passages où l'on doit ou non
vibrer, sur le fait de savoir si le vibrato est ou non un cache-misère ou
tout simplement un procédé légitime pour ajuster habilement et joliment,
sans que le violoniste ni l'auditeur n'en souffre, la note réellement émise
à la note attendue, j'aimerais bien parvenir à obtenir quelque chose qui
ressemble à un vibrato un peu harmonieux... Je m'engage à essayer de
peaufiner et diversifier le résultat ultérieurement, si le temps m'en est
accordé avant de mourir.
Dans cette recherche de ce premier résultat, je reste convaincu qu'un DVD
tel que je l'ai décrit, rendrait un immense service.
Cordialement.
Kiriasse
Répondant à
Dans la méthode de Maia Bang, qui fut une élève de Leopold Auer à
Saint-Petersburg le vibrato est abordé dans le 5è livre avec une référence
au 6è (l'art de l'archet). La recommendation de Auer concernant le vibrato
est de l'utiliser avec une certaine parcimonie. Dans les passages cantabile,
sur les notes longues il est essentiel. Alors que dans les autres passages,
surtout ceux qui requierent une approche très "stricte" du son il serait à
éviter.

Pourquoi acheter un DVD lorsque le site violinmasterclass.com
(http://www.violinmasterclass.com) offre plusieurs vidéos avec explications
par un pédagogue sur le sujet. Et de plus c'est gratuit.

Christian
Post by Kiriasse
===
"Salsa Picante"
Post by Salsa Picante
Bonjour,
Tu as tout à fait raison, il n'y a pas un vibrato, mais bel et bien
plusieurs, qui font toute la richesse du jeu d'un excellent musicien,
selon l'expressivité qu'il veut conférer à une phrase.
Le choix d'un vibrato dépend également du compositeur de l'œuvre : le
vibrato Mozart sera plus serré que le vibrato romantique qui sied à Max
Bruch, un vibrato léger et sans excès convient pour Bach, etc. (Encore
que cela soit l'objet de gloses sans fin entre les différentes tendances
stylistiques.)
(...)
Kiriasse
2006-03-13 14:48:06 UTC
Permalink
Merci. C'est intéressant et bien fait, ce « violinmasterclass ».
Dommage que les commentaires ne soient pas traduits en français et surtout
qu'il faille un temps fou pour télécharger et visionner ces fichiers .mov
(quand on ne dispose pas d'une connexion très rapide, comme c'est mon cas).
Il y aurait un travail à faire, intéressant pour les apprentis violonistes
francophones : graver ces vidéos sur DVD et donner une traduction en
français... Pour usage privé, car je suppose que sinon il faudrait obtenir
une autorisation.
Si j'avais le temps, je pourrais le faire, mais je préfère encore jouer du
violon, avec ou sans vibrato ;-)

N.B. Cette méthode de Maia Bang existe-t-elle en français ? Ou bien un
francophone mal à l'aise en anglais peut-il quand même l'utiliser ? Ma
question ne s'adresse pas vraiment à vous qui êtes canadien (me semble-t-il)
donc vraisemblablement parfaitement bilingue.

Kiriasse
Répondant à

===
"Christian Tessier"
Post by Christian Tessier
Dans la méthode de Maia Bang, qui fut une élève de Leopold Auer à
Saint-Petersburg le vibrato est abordé dans le 5è livre avec une référence
au 6è (l'art de l'archet).
(...)
Pourquoi acheter un DVD lorsque le site violinmasterclass.com
(http://www.violinmasterclass.com) offre plusieurs vidéos avec
explications par un pédagogue sur le sujet. Et de plus c'est gratuit.
Christian
Christian Tessier
2006-03-13 17:37:59 UTC
Permalink
Le premier volume (Part I) est en anglais-américain et les volumes suivants
(Part II à V, VI et VII n'étant pas disponible) sont bilingues
anglais-espagnol d'après ce que j'ai vu chez Archambault musique à Montréal.
En fait je suis rendu au milieu du second volume.

Christian
Post by Kiriasse
Merci. C'est intéressant et bien fait, ce « violinmasterclass ».
Dommage que les commentaires ne soient pas traduits en français et surtout
qu'il faille un temps fou pour télécharger et visionner ces fichiers .mov
(quand on ne dispose pas d'une connexion très rapide, comme c'est mon cas).
Il y aurait un travail à faire, intéressant pour les apprentis violonistes
francophones : graver ces vidéos sur DVD et donner une traduction en
français... Pour usage privé, car je suppose que sinon il faudrait obtenir
une autorisation.
Si j'avais le temps, je pourrais le faire, mais je préfère encore jouer du
violon, avec ou sans vibrato ;-)
N.B. Cette méthode de Maia Bang existe-t-elle en français ? Ou bien un
francophone mal à l'aise en anglais peut-il quand même l'utiliser ? Ma
question ne s'adresse pas vraiment à vous qui êtes canadien (me semble-t-il)
donc vraisemblablement parfaitement bilingue.
Kiriasse
Répondant à
===
"Christian Tessier"
Post by Christian Tessier
Dans la méthode de Maia Bang, qui fut une élève de Leopold Auer à
Saint-Petersburg le vibrato est abordé dans le 5è livre avec une référence
au 6è (l'art de l'archet).
(...)
Pourquoi acheter un DVD lorsque le site violinmasterclass.com
(http://www.violinmasterclass.com) offre plusieurs vidéos avec
explications par un pédagogue sur le sujet. Et de plus c'est gratuit.
Christian
Jacques Saussard
2006-03-15 19:54:24 UTC
Permalink
Merci pour cette contribution, Thierry.
Quelques remarques et pistes de réflexions.

1. En tant que prof de violon, j'ai eu la surprise de constater depuis
quelques temps que mes jeunes élèves, à qui j'apprends le vibrato comme
depuis 30 ans que j'enseigne, dès la seconde année, ou à partir de la
troisième ou quatrième année, selon leurs aptidtudes, et leurs acquis, ne
s'en servent plus de façon "spontannée", comme il y a encore dix ans... Je
ne m'explique pas cette distanciation. Simplement, je leur enseigne, et je
les invite à s'en servir, comme je l'ai toujours fait, et certains d'entre
eux l'ignorent purement et simplement...

2. J'ai un élève, 15 ans, qui a fini son troisième cycle, qui maîtrise
parfaitement trois vibratos : avant-bras, poignet ou main, et même le
vibrato "des doigts", ce dernier étant peu utilisé, il est vrai. Et malgré
mes exemples, discussions, invitations à utiliser le vibrato de l'avant-bras
ou du poignet selon le contexte stylistique, technique et expressif, il
continue depuis plusieurs années à utiliser exclusivement le vibrato du
poignet, qu'il reconnaît lui-même comme étant moins approprié au style
romantique, quand il joue Lalo ou Bruch, par exemple... Le vibrato de
l'avant-bras a des atouts indéniables : moins de différences sonores entre
les différents doigts, possibilité accrue de vibrato dans les
doubles-cordes, possibilité de "serrer" ou "élargir" presque à volonté.
Mais, selon mon élève, le vibrato du poignet est plus "chaleureux", plus
large et généreux... et même aussi plus discret lorsqu'il s'agit de jouer le
répertoire baroque ou classique...

3. J'ai connu un élève se présentant au sup' de Paris qui ne vibrait pas une
seule note dans Mendelssohn. A l'époque, j'avais 19 ans ans, cela
m'aparaissait comme une curiosité extraordinaire. Maintenant que j'enseigne,
je constate que le professeur ne peut pas intervenir - ou si peu - (et
d'ailleurs est-ce vraiment utile ?) dans ce genre de choix : j'en conclus
que le vibrato touche à l'essence de l'expression personnelle.

4. Edouard Melkus, violoniste autrichien né dans les années 1920, précurseur
de la "rennaissance du baroque" avec Harnoncourt et bien d'autres, joue
depuis toujours sur instruments dans leur état original, sur corde boyau ou
non. Il enseignait leviolon baroque à la Horschule für musik de Wien... Il
persiste et signe l'idée que les interprètes du 18e siècle, bien avant
Mozart, employaient le vibrato de façon naturelle, dans tous les passages
chantés. Selon lui, Schmelzer, Biber, Corelli, Geminiani, Vivaldi, Leclair
et autres grands violonistes de l'époque, en usaient abondamment, et étaient
applaudis pour leur magnifique sonorité très expressive. On peut tout dire
de Melkus sauf qu'il ne connaît pas son affaire au niveau historique, il
connaît parfaitement les traîtés et écrits anciens, c'est un musicologue
averti. Pour ma part, je me sens incapable de juger de la solidité de cette
opinion.

Amitiés à tous.
Jacques.
Denis
2006-04-15 15:26:27 UTC
Permalink
Post by Jacques Saussard
4. Edouard Melkus, violoniste autrichien né dans les années 1920, précurseur
de la "rennaissance du baroque" avec Harnoncourt et bien d'autres, joue
depuis toujours sur instruments dans leur état original, sur corde boyau ou
non. Il enseignait leviolon baroque à la Horschule für musik de Wien... Il
persiste et signe l'idée que les interprètes du 18e siècle, bien avant
Mozart, employaient le vibrato de façon naturelle, dans tous les passages
chantés. Selon lui, Schmelzer, Biber, Corelli, Geminiani, Vivaldi, Leclair
et autres grands violonistes de l'époque, en usaient abondamment, et étaient
applaudis pour leur magnifique sonorité très expressive. On peut tout dire
de Melkus sauf qu'il ne connaît pas son affaire au niveau historique, il
connaît parfaitement les traîtés et écrits anciens, c'est un musicologue
averti. Pour ma part, je me sens incapable de juger de la solidité de cette
opinion.
C'est évident que le baroque utilise extensivement le vibrato en tant
qu'ornement, parmi tous les autres. C'est évident aussi que le vibrato
systématique ne saurait être justifié que par la maladie de Parkinson,
et encore... Un ornement appliqué systématiquement n'a plus rien d'un
ornement (c'est comme si on soulignait tous les mots d'un texte). Ce qui
fait la beauté de la musique baroque c'est entre autres l'harmonie
d'accords justes (non tempérés), alors qu'un vibrato par définition ce
sont des notes fausses. Pour la musique classique ou romantique le
vibrato est plus supportable mais là non plus je ne vois pas de
signification au vibrato permanent (sauf comme le fruit d'une mauvaise
habitude ou un tel désir de montrer qu'on maîtrise cette technique qu'on
l'emploi mal-t-à propos ;-) )
--
Denis

R. Parce que ça rompt le cours normal de la conversation !!!
Q. Pourquoi ne faut-il pas répondre au-dessus de la question ?
Emmanuel Delahaye
2006-03-12 20:33:14 UTC
Permalink
Post by Kiriasse
Le vibrato (si l'on peut parler de vibrato plutôt que de vibratos, au
pluriel) au violon est un mouvement complexe qui fait intervenir
l'avant-bras, la main et les doigts.
Je trouve ça très laid, et on ne l'utilise pas en musique
traditionnelle, ni en baroque (enfin très peu, et d'une faible
amplitude). On préfère apprendre à jouer juste !
--
A+

Emmanuel Delahaye
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