[Je crossposte sur framc, parce que ça peut intéresser et concerner des
contributeurs de ce groupe, parce que ceux d'entre eux qui sont
instrumentistes à cordes peuvent t'apporter également des renseignements
techniques, parce que le vibrato rélève aussi de framc si on considère
son utilisation, mais je garde le suivi sur framp dans le cadre d'une
discussion technique.]
Post by KiriasseLe vibrato (si l'on peut parler de vibrato plutôt que de vibratos,
[...]
Post by KiriasseIl me semble qu'un film sur DVD représentant de façon judicieuse, en gros
plan, à la vitesse normale mais aussi avec des ralentis, l'avant-bras et la
main gauche d'un bon violoniste exécutant un vibrato pourrait aider des
violonistes en apprentissage.
Bonjour,
Tu as tout à fait raison, il n'y a pas un vibrato, mais bel et bien
plusieurs, qui font toute la richesse du jeu d'un excellent musicien,
selon l'expressivité qu'il veut conférer à une phrase.
Le choix d'un vibrato dépend également du compositeur de l'œuvre : le
vibrato Mozart sera plus serré que le vibrato romantique qui sied à Max
Bruch, un vibrato léger et sans excès convient pour Bach, etc. (Encore
que cela soit l'objet de gloses sans fin entre les différentes tendances
stylistiques.)
Gardons en mémoire que le vibrato ne fut à l'origine qu'un ornement,
qu'il n'est pas nécessaire de l'employer à outrance pour un pathos
injustifié, et qu'il ne doit _jamais_ être un cache-misère, un emplâtre
masquant une justesse approximative.
Notons que l'on a été tellement habitué à vibrer que cela est devenu un
automatisme, si bien que jouer un passage « blanc », c'est-à-dire sans
vibrato est difficile : on a beau l'écrire sur la partition, on oublie
toujours, dans le feu de l'action, et le naturel vibrant revient au
galop !
Deux écoles s'opposent souvent en ce qui concerne le vibrato au violon :
le bras ou le poignet ?
Actuellement, le « vibrato du bras » et plus à la mode que celui « du
poignet ». (Le terme « du poignet » gagnerait d'ailleurs à être remplacé
par « de la main », ce serait plus exact.)
Des techniciens avertis, tels Galamian, distinguent aussi un vibrato
« du doigt ».
Bien souvent, le vibrato « normal, usuel » d'un individu est un mélange
de tout ça.
Il importe en effet qu'aucune partie du corps ne soit immobilisée ou
bloquée. Vibrer de la main ne doit surtout pas signifier un bras
bloqué : le vibrato est d'abord un prolongement d'un mouvement plus
intérieur.
Un épaule gauche trop haute qui serre le violon coupe irrémédiablement
ce mouvement et conduit à voir là-bas, perdue près de la volute, une
main gauche qui s'agite toute seule, coupée du reste du corps, ce qui
n'est en aucun cas un vibrato.
C'est pour cela que je ne sais pas si l'examen attentif de vidéos
constitue une bonne approche. On n'y voit en effet que le résultat
gestuel du vibrato et on peut facilement passer à côté du fait que
le vibrato prend en fait naissance à l'intérieur du corps, et que le
mouvement du doigt, de la main, du bras, n'en est que la partie visible.
On ne peut pas jouer du violon en isolant les différents parties du
corps.
Certaines personnes ont un vibrato naturellement aisé, calme et beau à
regarder, un vibrato « qui vient tout seul ». D'autres sont obligées de
travailler très longtemps et quotidiennement pour obtenir le même
résultat. Ce travail suppose à mon avis de réenvisager l'ensemble du
rapport corporel avec l'instrument et surtout de ne pas se focaliser
sur le seul mouvement apparent de la main gauche.
Au moins ce travail permet-il de mieux contrôler le vibrato lorsque le
trac est lde la partie.
Quant à savoir si c'est le tronc qui commande au bras, qui entraîne
l'avant-bras, qui dicte à la main, qui fait bouger le doigt, et ainsi de
suite des phalanges jusqu'à la phalangette, ou bien le contraire par le
truchement d'un savant feed-back de l'influx nerveux, c'est se retrouver
devant le problème évoqué en principe au sujet du bras droit : querelle
d'école (américaine, franco-belge, etc.) et d'époque, et discussions
enfiévrées entre les grands pédagogues de l'instrument.
Quoi qu'il en soit, il ne faut pas confondre vibrato et *crispato*, et
en aucun cas le vibrato ne doit être incontrôlé et incontrôlable.
D'un autre côté, un vibrato trop travaillé, mécanique, totalement
artificiel, issu de longues heures passées à faire des exercices
aberrants avec un métronome, est très laid et anti-musical au possible !
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Je vais être plus technique à présent.
1. Le vibrato diffère selon le doigt ! Si 2 et 3 sont faciles, l'index
peut poser des problèmes et le 4e être un sacré casse-tête.
Le travail du vibrato sur les doubles-cordes (tierces et octaves) est
très profitable. Sans appuyer les doigts plus que nécessaire ! (La
remarque musclée « les doigts comme des petits marteaux » en tête du
premier cahier de Schradieck est à considérer avec beaucoup de
précautions...)
2. La technique du vibrato diffère selon que l'on est en bas du manche
ou en train de voltiger dans les colophanes éternelles en haut de la
touche.
Le mouvement du vibrato est facilité ou gêné selon la façon dont la main
tient l'instrument, notamment, dans les positions basses, en fonction du
nombre de points d'appui de la main : deux (le doigt qui est posé et le
pouce qui soutient) ou trois (en ajoutant le contact de la base de
l'index vers la paume contre le bord du manche.)
Cela dépend de la morphologie de chacun, de la corde sur laquelle on
joue et de l'école de violon à laquelle on se rattache (l'école tchèque
par exemple tendait à placer le pouce très en-dessous du manche, ce qui
permettait d'éviter ce troisième point de contact.)
3. La main gauche et la main droite se rejoignent par le biais du violon
et il ne doit pas y avoir de coupure entre les deux : le « fluide » doit
passer d'un bras à l'autre ! Dans cette optique, le vibrato est
également une affaire d'archet et est beaucoup plus intimement lié au
travail de l'archet et du bras droit. (Mais c'est souvent comme ça,
hein, le travail du violon : « Si tu as des problèmes avec la main
gauche, regarde du côté de la droite ce qui se passe et travaille de ce
côté-là, et si tu as des problèmes d'archet, regarde si ça ne vient pas
aussi du bras et de la main gauche... »)
On se rend compte de cette interaction entre le vibrato et l'archet dans
les cas suivants par exemple :
- il est plus facile de vibrer quand on joue forte que pianissimo : un
mouvement retenu et léger du bras droit ne favorise pas la réalisation
du vibrato à gauche. Jouer « fort, nerveux, appuyé... » d'un côté du
corps et « doucement, détendu et léger » de l'autre est une des grandes
difficultés du violon ;
- Il est difficile de conserver le vibrato au moment du changement
d'archet : celui repart dans l'autre sens et hop, le vibrato
s'interrompt un bref instant.
4. Qu'est-ce que le vibrato ? Une variation de hauteur, certes, mais où
se situe la note de base par rapport à cette oscillation ? Il est
intéressant de voir comment les grands violonistes organisent cette
altération de la justesse vers le haut et vers le bas.
Faut-il *monter* la note, puis revenir à elle, ou bien *baisser* la note
pour y revenir, ou encore *baisser et monter* équitablement autour de la
note juste ?
Les deux premières solutions sonneraient mal et faux, de toutes façons :
il est nécessaire d'altérer la note à la fois vers le haut et le bas, de
tourner autour, mais pas forcément à égalité dans chaque direction.
C'est-à-dire qu'il faut éventuellement envisager de travailler le
vibrato en gardant à l'esprit le fait de tirer *d'abord* la main du côté
de la volute pour infléchir la note vers le bas, puis *ensuite* aller
vers le haut.
On pensera par exemple au travail de pince et de relâchement du vibrato
des clarinettistes et des saxophonistes.
5. Le sens de l'oscillation décrite-ci-dessus importe lorsqu'il s'agit
de changer de note et de doigt tout en conservant le vibrato.
Lorsqu'on atteint le but ultime de l'enseignement traditionnel,
c'est-à-dire le vibrato souple, régulier et ininterrompu sur plusieurs
notes jouées legato dans un seul coup d'archet, on constate qu'il est
plus souvent plus facile de le faire en montant (doigté 1 2 3 4 sur des
notes conjointes) qu'en descendant (doigté 4 3 2 1).
En effet, si l'on travaille lentement, on remarque que, lors d'un
mouvement ascendant, le doigt suivant se pose lorsque le doigt qui est
en train de vibrer se dirige vers le haut, celui-ci préparant ainsi le
changement de note (du 1er doigt vers le 2e, du 2e vers le 3e et du 3e
vers le 4e). Le vibrato peut facilement rester ininterrompu.
Mais lorsqu'on descend, même si c'est le mouvement inverse qui se
produit (le doigt inférieur se pose lorsque le doigt qui est en train de
vibrer est au maximun de son oscillation vers le bas), il y a un
minuscule temps d'arrêt qui demande un travail de coordination plus
attentif et précis.
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Je suis altiste et la question du vibrato, comme de nombreux autres
problèmes violonistiques, se pose peut-être de façon plus incontournable
pour les altistes que pour les violonistes : rapidité contrôlée,
décontraction, amplitude plus forte, cordes plus grosses, 4e doigt...
sur un instrument sur lequel on côtoie souvent une limite physique par
rapport à la taille et la maniabilité de l'instrument.
La taille de l'alto par rapport à l'altiste est un compromis entre la
taille de l'instrument, choisie la plus grande possible, et la
« jouabilité » pour le morphologie de celui qui en joue. La marge de
manœuvre est plus étroite et vibrer en 1e ou en 7e position sur la
grosse corde de do oblige à reconsidérer un certain nombre de choses.
Bon courage !
Thierry